Commençons par le commencement. Vous venez de lire les règles du jeu, vous avez jeté un œ ;il sur votre premier scénario, et vous êtes un peu perdu.
çons par le commencement. Vous venez de lire les règles du jeu, vous avez jeté un œil sur votre premier scénario, et vous êtes un peu perdu. Vous ne savez pas très bien comment vous débrouiller pour que votre première partie de l'Appel de Cthulhu ressemble à autre chose qu'une simple enquête ou à une chasse au monstre. Comment surprendre vos joueurs ? Comment leur faire peur ? Comment leur faire ressentir l'horreur cosmique si caractéristique des œ ;uvres de Lovecraft ? Voici quelques conseils pour mettre en scène "la première fois".
"Moi je veux faire un guerrier avec une grosse sulfateuse et 18 en Pouvoir", ou la création des premiers personnages.
Avant toute chose, il faut nous rappeler ce qu'est le fantastique. Au sens strict, c'est l'intrusion d'un élément surnaturel dans la réalité, élément qui provoque un doute, une hésitation dans l'esprit du personnage concerné et, par là même, l'inquiétude, puis l'horreur. Cette définition nous permet d'établir le principe qui doit présider à la mise en place d'une campagne de Cthulhu : le réalisme. C'est dans la mesure où le cadre de départ est parfaitement ordinaire, réaliste, presque banal, que l'intrusion du Mythe de Cthulhu sera plus frappante et plus déstabilisante pour vos joueurs. Et cela commence justement dès la création de leurs personnages.Tout d'abord, il vous faut une bonne raison de les réunir. Tout dépend du thème de votre campagne (on en développera un certain nombre dans ces pages à l'avenir), mais l'une des solutions évidentes est celle du lieu, commun à tous les personnages. Pensez également à ce qui peut les pousser à enquêter ensemble : est-ce une connaissance commune qui a disparu (formule ultra classique), l'appartenance à la même petite communauté (village, université), une situation de départ partagée (voyage, croisière, séjour au poste de police) ?
Beaucoup de scénarios proposent une première rencontre. Gardez en tout cas à l'esprit que plus le motif est crédible, justifié, naturel, mieux vous poserez le cadre historique et réaliste de votre campagne. N'hésitez pas à inventer une nouvelle situation de départ si celle que l'on vous propose ne vous semble pas satisfaisante. En outre, d'une manière générale, renseignez vous sur les lieux et les périodes où vous placerez les personnages. Mieux vous les connaîtrez, mieux vous en rendrez l'ambiance, et mieux vous répondrez aux désirs ou aux improvisations de vos joueurs.
Dernier principe : c'est le Mythe qui réunit les Investigateurs. Le fait de partager une expérience surnaturelle est toujours le meilleur moyen de continuer de se voir. Cela les poussera également à conserver entre eux le secret, et à les mettre au ban de la société.
L'occupation des Investigateurs détermine grandement la raison qui les poussera à se réunir. L'éventail des carrières proposées dans le livre de base et le Manuel de l'Investigateur offre des possibilités passionnantes.
Laissez la plus grande liberté aux joueurs pour choisir la profession de leur personnage, mais songez aussi au réalisme et à la cohérence de leur groupe. La présence d'un policier et d'un gangster au sein d'une même équipe posera certainement problème, à moins que le flic ne soit déjà un ripou. Un pasteur ne fréquentera pas un tueur, ou en tout cas pas trop longtemps. Un Investigateur trop en vue (politicien, sportif célèbre) aura beaucoup de contraintes pour courir à l'aventure, et fera une cible trop visible pour les futurs ennemis du groupe. Un militaire d'active aura peu d'occasions de se libérer. Un interne en médecine sera souvent de garde.
Réfléchissez à tout cela en discutant avec vos joueurs, mais ne les brimez pas trop : ils sont là pour s'amuser. La seule chose à éviter, ce sont les personnages trop puissants en terme de force de frappe. Un monstre fait bien moins peur lorsqu'on dispose d'une caisse de grenades et d'un 75% en Lancer, ou d'un lance-roquettes. Les héros de l'Appel de Cthulhu ont cela de particulier qu'ils sont, au départ, parfaitement normaux, et parfaitement fragiles. On peut même dire qu'ils incarnent la fragilité humaine face à un univers qui tourne au cauchemar, face à des secrets qui dépassent leur entendement.
Dans tous les cas, demandez à vos joueurs de soigner le background et l'historique de leur personnage, ce qui est d'ailleurs valable pour la plupart des jeux de rôle.
Les antécédents familiaux, en particulier, peuvent être largement exploités par les Gardiens judicieux ("Ton oncle Jedediah est arrivé dans la région en 1885... il vivait auparavant dans un village côtier nommé Innsmouth... d'ailleurs il y est né..."). Mais les connaissances et contacts doivent également être précisés. Laissez les joueurs libres de discuter entre eux lorsque l'aventure commence, de manière à essayer leurs personnages, à s'en imprégner, à se familiariser avec eux, à établir des relations de groupe crédibles et humaines. Soignez les situations de conversation les plus prosaïques. Plus les joueurs auront pris le temps de s'attacher à leurs rôles et de les faire vivre, plus ils auront peur qu'il leur arrive quelque chose.
"Alors là, ben... euh, là, vous voyez un Profond... qui vous attaque", ou l'apparition du premier monstre.
Une créature du Mythe n'est pas un monstre comme les autres. C'est presque toujours un intrus dans la réalité des personnages, une entité anormale, dont la vision est déstabilisante, parce qu'elle remet en cause la conception que les Investigateurs ont de la vie et de l'univers. Même la statuette représentant Cthulhu, dans la nouvelle qui donne son nom au jeu, n'appartient pas à notre monde, et ne peut pas être totalement décrite. Imaginez-vous vous même rencontrer une espèce de crustacé volant dont la tête ressemble à de la cervelle iridescente en pleine forêt, ou un humanoïde canin, puant et lépreux, gloussant et bavant, qui vous regarde de ses yeux rouges sans pupilles au fond de la cave, ou dans un couloir du métro...Comment recréer cette forme de terreur innommable autour d'une table ?
On pourrait penser que la surprise frappante est le meilleur moyen de pétrifier les joueurs. Tout est à peu près normal et soudain (grand coup de poing sur la table !) apparaît la chose, dont vous lisez bêtement la description soigneuse dans le livre de règles. L'expérience montre que cette solution ne marche pas du tout, ou en tout cas pas de cette manière. Curieusement, c'est en préparant vos joueurs à l'apparition que vous obtiendrez le meilleur résultat. Tout le secret est dans l'attente que vous créerez dans l'imagination des joueurs, car de cette attente naîtra l'inquiétude. C'est le principe du suspense, utilisé à outrance dans tous les films d'action ou d'horreur : on sait que quelque chose va arriver, parce que tout nous y prépare (la lumière, la musique, les petits bruits, la prudence des personnages, les angles de vue), mais on ne sait pas à quel moment, et c'est justement cela qui nous inquiète. De quelle manière préparer vos joueurs à l'horrible vision ?
Procédez par petites touches, par petites impressions, successives, d'abord à peine perceptible, puis de plus en plus nombreuses, de manière à poser une atmosphère inquiétante.
Un monstre, ce n'est pas seulement quelque chose de visuel : il fait du bruit, il a souvent une odeur abominable. Insinuez que quelque chose ne tourne pas rond en offrant aux joueurs des impressions sensorielles qui vont les installer dans l'inquiétude. Jouez sur le cadre, les variations lumineuses, les changements subits de température, les sensations de vertige, d'étourdissement, et même les illusions visuelles et auditives. Faites-leur entendre des bruits provenant d'endroits qu'ils ne peuvent voir (le plafond, le grenier, la cave, les murs, l'extérieur), mais où ils sauront qu'il y a quelque chose de bizarre, une menace. L'air peut bourdonner étrangement à l'approche d'une colonie de Mi-Gos. Les branches se couvrent de givre avant que le Byakhee invoqué n'atterrisse, et les Investigateurs se mettent à frissonner sans raison apparente. Ne les saturez pas d'indices trop rapidement, mais ajoutez petit à petit vos ingrédients, en les disséminant dans vos descriptions générales du lieu, et dans le récit de leurs actions. C'est lorsqu'ils sont suffisamment inquiets et alarmés par le mugissement du vent dans la grotte, le souffle glacial qui pénètre leurs os, le clapotis obsédant de la mer, et l'odeur de poisson, d'abord ténue, étourdissante désormais, jusqu'à provoquer la nausée, que vous pouvez faire grincer les pieds de votre chaise, monter le son de votre musique d'ambiance, et leur balancer votre Profond dans la face.
Le ton et le débit de votre voix sont très importants dans ces moments. Rappelez-vous qu'il est plus judicieux d'inquiéter, et donc de parler de plus en plus lentement, d'une voix sérieuse et grave. Lorsque la créature apparaît, vous pouvez vous lâcher dans une description répugnante.
Cette description est toujours plus évocatrice lorsqu'elle est animée par des notations de mouvement et de vie. Votre chose à tentacules est encore plus dérangeante si elle est parcourue de tremblements, de frémissements, qu'un fluide visqueux s'écoule le long des tentacules en question, qui glissent les uns sur les autres en une danse obscène. Par ailleurs, une créature est toujours plus inquiétante si elle fait des gestes qui menacent directement celui qui la contemple. Des tentacules au loin, c'est bien, mais lorsqu'ils font mine de s'approcher, comme des serpents d'eau, du visage d'un Investigateur malheureux, c'est mieux. Lorsque vous jouez une goule menaçante, montrez du doigt un des joueurs et gémissez "Toi ! Toi !", en vous levant lentement vers lui avec un rictus affreux, le regard fixe et exorbité.
Enfin, songez que l'imagination des joueurs sera toujours plus puissante que votre meilleure description. C'est pourquoi vous pouvez vous contenter de touches, d'éléments de description, plutôt que de fournir un tableau trop précis dans l'anatomique. C'est le seul défaut de certains monstres chez Lovecraft : si on peut les mesurer précisément, rapprocher leur forme de celle d'un cône ou de toute autre figure géométrique, ils font moins peur car l'esprit peut les appréhender. Ne craignez pas de présenter des éléments qui semblent déconnectés les uns des autres : c'est l'imagination des joueurs qui tentera de réunir l'amas de pseudopodes dégoulinants, l'impression de masse écrasante, les bruits de sabots, et les piaillements plaintifs de la créature. Plutôt que d'être précis, soyez évocateurs.
Rapprochez ce qu'ils perçoivent de choses qu'ils connaissent comme étant écœ ;urantes. Utilisez les comparaisons.
Et enfin, surtout, NE NOMMEZ JAMAIS LA CREATURE ! Un Sombre Rejeton ne se balade pas avec un badge ou une pancarte sur le front ! Et de toute manière, il n'a pas de front...
Il existe toutes sortes de techniques pour faire vivre un monstre de l'Appel de Cthulhu. Développez les vôtres, et trouvez celles qui marchent sur vos joueurs !
"Grrrlllllbbllllldibidibidibidihahaha...", ou les premiers signes de la folie chez l'Investigateur.
La gestion de la folie, dans l'Appel de Cthulhu, ne doit pas devenir une simple affaire de points, même si le décompte de la Santé Mentale agit parfois comme un compte à rebours stressant. Et à la limite, un Gardien perfectionniste et sadique pourrait très bien décider de ne pas informer ses joueurs du nombre de points de SAN qui leur restent...Sans aller jusqu'à de telles extrémités (qui peuvent être vraiment gratifiantes lorsque les joueurs sont expérimentés), il faut absolument jouer sur ce que les joueurs pensent, ou croient savoir, de l'état psychologique de leurs personnages dans le cas d'une Folie à Durée Indéterminée, qui demande une gestion un peu plus subtile que la Folie Temporaire. Examinons d'abord la seconde.
Celle-ci, causée par un choc émotionnel ou psychique ponctuel, c'est à dire par la perte de 5 points ou plus de SAN en une occasion, ne pose pas vraiment de problème au Gardien et au joueur concerné. On vérifie d'abord que le personnage a pleinement compris ce qui lui est arrivé par un jet d'Idée. S'il le rate, c'est que le personnage adapte ce qu'il a vécu à ses préjugés sur l'univers, qu'il projette une explication rationnelle sur le surnaturel, et qu'il écarte l'événement de sa conscience, puis de sa mémoire : il n'a en fait rien compris à ce qui s'est passé, son esprit l'a écarté pour se protéger, et il pensera avoir vu un clochard furieux là où les autres auront reconnu un Mi-Go ; ou alors il occultera et oubliera l'événement la minute suivante. Il perd tout de même les points de SAN, parce que l'événement continuera à le travailler inconsciemment, dans les profondeurs de sa psyché : à partir d'un certain temps, et à la première occasion, tous les chocs accumulés feront sauter les derniers verrous de sa raison.
Si le jet d'Idée est réussi, c'est que le personnage a bien conclu que son expérience remettait complètement en cause sa conception de la réalité, et la réalité elle-même. Son sens du réel entre en conflit avec l'événement terrible ou l'impossible créature, et il devient fou. Le Gardien, en fonction de la personnalité de l'Investigateur, de la manière dont le joueur l'a interprétée depuis le début du jeu, et de la situation qui a causé le choc, décide du type de crise qui frappe le malheureux (catatonie, fuite, fureur berserk, ou autre).
N'oubliez pas non plus la possibilité des révélations offertes par la folie. Le joueur refait un jet d'Idée. S'il rate ce nouveau jet, sa folie lui offre une intuition sur la situation, qui a pour objet de préserver malgré tout son existence. L'exemple donné dans les règles est assez parlant. Si vous n'avez vraiment aucune idée, rappelez-vous que la meilleure intuition est toujours "fuyez !"
N'oubliez pas non plus qu'une crise due à la vision d'un monstre ne provoquera pas le même genre d'effets qu'un choc consécutif à la lecture d'un livre maudit, ou au lancement d'un sortilège impie. L'Investigateur qui devient fou chez lui après la lecture du Culte des Goules aura des hallucinations, cherchera à s'enfermer dans un placard, appellera ses amis en ricanant au téléphone et en bredouillant des phrases incompréhensibles et légèrement inquiétantes, montera sur le toit pour hurler des prières.
Un dernier conseil pour ce qui est de la Folie Temporaire : éviter de faire jouer cette crise comme ce que l'on voit dans la plupart des films d'horreur, à savoir des hurlements hystériques, qui feront marrer les autres joueurs plutôt qu'autre chose. Inspirez-vous plutôt des crises de folie des bons films de guerre, comme Apocalypse Now, Full Metal Jacket, ou La Ligne Rouge : les soldats en état de choc y sont absolument inquiétants, parce qu'ils adoptent un comportement vraiment irrationnel et s'expriment de manière incohérente, tout en gardant une apparence relative de calme. Conseillez à votre joueur de prendre un regard vitreux et de faire comme s'il voyait à travers les autres joueurs, comme s'il regardait au travers, lorsqu'il s'adresse à eux. Un regard absent et des paroles aberrantes provoqueront assurément l'impression d'aliénation.
La Folie à Durée Indéterminée, nous l'avons dit, demande un peu plus de subtilité, parce qu'elle est durable, et se prolongera un certain temps, voire même pendant plusieurs parties. Le psychisme de l'Investigateur est plus profondément touché. Seul, il ne pourra reprendre pied sur le réel qu'au bout de plusieurs mois.
La subtilité réside dans le fait que l'Investigateur ne doit pas savoir qu'il est fou, qu'il devra pour ainsi dire s'en rendre compte de lui-même au bout de quelques réactions bizarres de la part de son entourage. Ne dites pas au joueur "bon, ton personnage vient de perdre 20% de sa Santé Mentale en une heure, il devient fou". L'histoire des 20% ne concerne à vrai dire que le Gardien. Il devra s'y prendre autrement pour faire plonger le personnage dans la folie.
Au départ, un fou ne se rend pas compte qu'il est fou. Toutes ses perceptions et ses idées délirantes lui semblent réelles et justifiées, il ne les remet pas en question. Prenez ce principe au pied de la lettre. Lorsque les autres personnages voient ou entendent telle chose, faites semblant de faire un jet de Trouver Objet Caché pour le personnage fou, et annoncez au joueur, par message secret transmis sous la table, à l'oreille, ou dans une autre pièce, que son Investigateur a perçu quelque chose de totalement différent, ou quelque chose que les autres n'ont pas du tout remarqué. Cette méthode convient parfaitement à la paranoïa, à la schizophrénie, et à toutes les formes de folie hallucinatoire. Le personnage sera le seul à avoir entendu les voix dans le grenier, à avoir aperçu le regard sinistre de la boulangère, à s'être rendu compte de la surveillance télépathique du sorcier, ou de la présence de "Leurs" agents partout dans la ville.
Tout cela sera évidemment le fruit de son délire, mais le joueur n'a pas à le savoir : il doit croire que tout ce que perçoit le personnage est vrai.
Le personnage est aliéné : en d'autres termes, il est la proie de quelque chose d'étranger à lui-même, et c'est justement au Gardien de se charger de cet "étranger".
Jouez sur les perceptions du personnage, sur les conclusions systématiquement délirantes ou obsessionnelles de ses jets d'Idée, sur les souvenirs reconstruits dont vous lui faites part. Adaptez l'univers perçu par le personnage à la folie dont il est la proie. S'il est atteint de Quichottisme, essayez de convaincre le joueur que l'arbre est réellement un Sombre Rejeton camouflé, que seul son personnage le perçoit, et que les autres sont des inconscients qu'il faut absolument protéger. S'il est atteint de Panzaïsme, montrez-lui qu'il n'y a réellement aucun danger à aller toucher le Sombre Rejeton, que les autres exagèrent, que c'est simplement une illusion d'optique, et que de toute manière son personnage est plus intelligent et plus fiable que les autres, qui imaginent toujours n'importe quoi.
La folie est un système de pensée et de perception. Il faut que les insanités du personnage apparaissent au joueur comme un ressort même du scénario, ou comme une réalité du Mythe de Cthulhu. Qu'il croie que les autres sont réellement manipulés par le sorcier, et que lui seul échappe à son emprise, que lui seul connaît la vérité, que son lien mental avec le Grand Cthulhu peut servir d'arme, qu'il rencontre un informateur ou un maître secret la nuit en cachette, que le fait de ramasser tous les cailloux qui traînent par terre pour les enterrer en des endroits particuliers constitue un rituel puissant et efficace, que les oiseaux du coin sont vraiment des espions, que faire pourrir la nourriture est le seul moyen d'éliminer les drogues qu'Ils y répandent, que s'entourer la tête d'une serviette rouge protège des ondes mentales parce qu'il l'a lu dans le Cthaat Aquadingen, qu'il doit éliminer ses voisins avant qu'ils ne le tuent, et qu'en enfilant l'amulette noire et en quittant ses vêtements, il devient réellement invisible ; en d'autres termes faites comme si les impressions et idées erronées dont vous gratifiez le joueur faisaient réellement partie du scénario, de l'univers de Cthulhu et constituaient un avantage pour son personnage, un peu comme une forme de connaissance occulte, ou une perception surhumaine.
Le joueur ignore l'essentiel de l'univers du jeu : jouez de cette ignorance pour lui faire croire n'importe quoi. Et dans l'univers de Cthulhu, il arrive que la folie soit plus efficace que la raison.
Les autres joueurs se mettront eux-mêmes à douter lorsque les élucubrations et les actes compulsifs aberrants du fou sembleront parfois avoir un effet sur un monstre, ou sur un lieu maudit.
Tout cela ne durera évidemment qu'un certain temps, et tout le monde s'apercevra que quelque chose ne tourne décidément pas rond chez Jim, devant l'accumulation de paroles ou d'actes absurdes dont il est l'auteur. Lorsqu'on voudra l'aider ou le soigner, votre but sera atteint si le joueur croit que les personnages des autres veulent se débarrasser du sien et le livrer aux Grands Anciens. Lorsqu'il se rendra compte qu'il a été joué, il sera trop tard.
Une petite mise en garde toutefois : faites très attention avec cette méthode. Si vous pensez qu'il existe un risque de pétage de plomb chez le joueur lui-même, n'en abusez pas. Nous sommes ici en plein dans la manipulation mentale dont parlent certains psychiatres hostiles au jeu de rôle. :)
Vous jouez à manipuler le personnage d'un joueur, et celui-ci doit comprendre que ce n'est pas lui-même que vous manipulez.
Remettez toujours les choses au clair après la partie : il s'agit d'un jeu fantastique. Rien de cela n'a d'influence sur la vie réelle des joueurs et sur leurs rapports mutuels.
Dernière chose : le joueur dont vous aurez ainsi aliéné le personnage vous en voudra toujours un peu.
Ah non ! Autre chose : il est courant que les nouveaux joueurs fassent des cauchemars au début. Demandez-leur de vous les raconter, parlez-en ensemble, prenez-les comme une source d'amusement et de plaisanterie. C'est tout à fait normal, et ça ne rend pas fou.
"Euh... prends une nouvelle feuille de personnage, et réfléchis à une profession", ou la première disparition dans un groupe d'Investigateurs.
L'Appel de Cthulhu est un jeu cruel (il n'y a qu'à lire les lignes précédentes pour s'en rendre compte). Le taux de mortalité (c'est un lieu commun), y est souvent plus élevé que dans les autres jeux. Ce n'est pas une raison pour considérer que la mort d'un personnage est un événement banal et sans conséquence. Il faut, au contraire, que ce soit toujours un événement grave. Cela signifie qu'Ils ont gagné, que le Mythe de Cthulhu et ses créatures sont toujours plus forts. La mort d'un personnage participe de l'ambiance horrible du jeu. Il s'agit d'un humain courageux qui meurt parce qu'il a exploré ce qui ne devait pas l'être, parce qu'il a tenté de combattre ce qu'on ne peut vaincre. Un tel être mérite l'admiration et les pleurs.En tant que Gardien, vous serez parfois forcé de prendre de graves décisions. Il est toujours possible de tricher sur les dés pour sauver l'Investigateur d'une mort idiote, qui n'apporte rien à l'ambiance du jeu ou à la progression de l'aventure. Basez vous sur le principe que dans les jeux de rôle, la mort doit avoir un sens. Evitez de faire mourir bêtement un personnage, parce que vous avez obtenu un 4 au lieu d'un 3 sur votre jet de dés.
Réfléchissez aux conséquences de cette mort.
Vient-elle à un moment vraiment adapté ? Permet-elle de faire avancer le scénario ?
Le joueur est-il préparé à subir cette perte ?
Ne vaudrait-il mieux pas que le personnage meure un peu plus tard, lors du climax de l'histoire ?
Pesez judicieusement tout cela, et si vous avez un doute, laissez plutôt le joueur " pour mort " ou dans le coma. Ceci l'incitera peut-être à la prudence. Pour prévenir plutôt que guérir, assurez vous que les joueurs ont bien compris les risques encourus.
Ne laissez pas un débutant partir seul avec un canif dans des catacombes infestées de Chtoniens. Enfin, ne faites jamais mourir un personnage pour punir un joueur. A la limite, vous pouvez laisser un joueur détruire lui-même son personnage en agissant de manière stupide (arriver chez les gangsters avec une ceinture de bâtons de dynamite autour de la poitrine, en fumant le cigare).
Une perte peut être douloureusement vécue.
Compensez la en lui donnant un sens ou un intérêt.
Une mort peut être héroïque. En se sacrifiant, l'Investigateur pourrait du même coup éliminer un adversaire supérieur. La mort d'un Investigateur explorant seul un puits abandonné aura peut-être permis de résoudre une énigme, de découvrir un fait crucial, ou un indice. Elle pourra permettre d'obtenir l'aide et le concours d'une tierce personne qui en est le témoin, ou la faveur des autorités.
Si vous ne pouvez faire autrement que de laisser l'Investigateur mourir, permettez-lui éventuellement d'échanger quelques mots avec les autres personnages avant de rendre l'âme. C'est un procédé très gratifiant pour tous les joueurs. Enfin, selon l'ambiance qui règne autour de la table, ou l'expérience préalable des participants, il est possible que certains d'entre eux supporteraient sans peine une mort subite, idiote, voire totalement déconnectée de l'intrigue en elle-même (le personnage meurt en traversant la rue pour aller acheter le pain). L'absurdité de la mort est un ressort possible de l'ambiance du jeu. Après tout, les humains sont des êtres fragiles... et la mort d'un Investigateur peut détendre l'atmosphère, si vous êtes un adepte de l'humour noir.
Dernière chose : une mort peut être parfois très bénéfique pour le joueur. Certains premiers personnages se révèlent être totalement inadaptés au jeu ou à l'ambiance de la campagne. Si tel est le cas, il peut être utile de permettre au joueur de tester de nouvelles possibilités.
Une fois le moment pénible passé, l'oraison funèbre prononcée, et les biens de la victime partagés, il est souvent temps pour le joueur de créer un nouveau personnage.
Ne le pressez pas s'il ne désire pas reprendre immédiatement l'aventure. Peut-être aura-t-il besoin d'un peu de temps pour imaginer son nouveau rôle. Beaucoup de joueurs, au contraire se précipitent sur un PNJ attractif et demandent au Gardien s'ils peuvent le jouer pour continuer immédiatement le jeu. Bizarrement, cette éventualité donne de très bons résultats, et c'est le signe que le joueur a clairement fait son deuil (c'est aussi le signe que le jeu est très bon, et que vous maîtrisez divinement). Le joueur pourra ensuite garder ce personnage, ou en créer un autre, peu importe. Le nouveau personnage pourra être une connaissance de la victime, quelqu'un de sa famille : la vengeance est un ressort puissant, et une excellente motivation pour se lier au groupe d'Investigateurs. Eux-mêmes pourront se sentir désireux de venger le défunt. De la même manière que vous aurez soigné la rencontre et la création du groupe, vous devrez veillez à ce que l'intégration du nouveau personnage ne soit pas bâclée.
Enfin, il existe une loi absolue du jeu de rôles, et de l'Appel de Cthulhu en particulier, vérifiée mille fois, et dont vous pourrez faire part à vos joueurs : le deuxième personnage créé est toujours meilleur que le premier.
" Mmmmm... je sais pas.... j'hésite entre la jungle amazonienne et la banlieue de Pithiviers ", ou le premier scénario.
Il est maintenant temps de maîtriser quelque chose. La tradition est de commencer par La Maison Hantée, qui démontre qu'on peut faire peur avec quelques planches de bois pourri, un couteau volant, et un pauvre type qui se fait enterrer dans sa cave on ne sait trop pourquoi en fin de compte.Le gros problème de ce scénario est qu'il présuppose que les Investigateurs se connaissent déjà. A la Lisière de l'Obscurité est, de ce point de vue, une meilleure solution. Quelques scénarios vous seront proposés dans ces pages, et vous pouvez mettre la main (en cherchant un peu) sur quelques bonnes aventures d'initiation parues dans la presse.
C'est plutôt la première campagne qu'il est difficile de choisir. A tous points de vue, Les Fungi de Yuggoth constituent la meilleure campagne pour débutants, l'unique problème étant la date des événements (1928), un peu gênante si vous êtes un maniaque de la chronologie. Cette campagne peut considérablement être étoffée et améliorée par vos soins, et vous pouvez la situer un peu plus tôt dans les années 20.
Enfin, quel est le premier supplément à vous procurer ? Le Manuel du Gardien et le Manuel de l'Investigateur semblent des choix évidents, avec une préférence pour le premier, qui offre de nombreux renseignements sur le Mythe et ses créatures. Le second vous permettra de parfaire votre connaissance des Années 20, et présente de nouvelles professions.
Ensuite, tout dépend du genre de jeu que vous voulez adopter. Dans l'optique du jeu " régionaliste ", qui procure les meilleures occasions de réunir un groupe de personnes hétéroclites, Les Mystères d'Arkham, ouverture de la série du " Pays de Lovecraft ", est une excellente manière de commencer : les Investigateurs habitent tous la ville et son Université.
Cthulhu 90, ou Delta Green sont incontournables pour le jeu contemporain.
Puissent vos nuits être blanches...